Autoportrait
Pour cette semaine, Dana choisit le thème de l'autoportrait. Une photo, un dessin, un poème, tout autre chose..., la seule condition étant un travail personnel stricto senso. Alors, m'en suis allée farfouiller dans mes cartons, ai retrouvé un ancien texte, et puis un autre, et le dilemne du choix. Après moult hésitations, j'ai choisi la voie de l'honnêteté, les mots qui correspondent le mieux à l'instant. Mais comme j'ai un faible pour le second texte, j'en ferai un post séparé. Histoire de me faire plaisir :)

Autoportrait
Une parole qui me chahute dans le vide matriciel, un cri étouffé dans la nuit de ma mémoire. Plaisir oublié de flâner au hasard des lettres d’un dictionnaire, dans l’attente de l’heure fatidique d’un départ.
C’était le dimanche soir, chaque semaine, à dix-huit heures, la famille réunie autour de la table de cuisine. Je lisais, la peur au ventre, l’oreille tendue vers le tic-tac d’un rouge métronome. Lui me répondait, comme un écho, rouge de mon sang pulsé au rythme d’une prière silencieuse: pas encore, pas encore … A pleine paume, je prenais ce livre magique, celui qui m’emmène dans son voyage au pays des mots, le dictionnaire de la langue française. M’émerveillais de la beauté ocellée de l’orchis, découvrais les prestigieuses prosatrices du XVIIème siècle, et les splendeurs de la mythique Samarkand… J’en oubliais, l’espace d’un court instant, cette douleur de l’exil qui me taraude l’âme depuis toujours, depuis le temps où je n’étais pas née, le temps où je n’étais point nommée.
Dans la brume du soir, les feuilles du dictionnaire frissonnaient en un friselis de mots à rêver: marbrure… jaspure… racinage… livedo… solitude chocolatée… C’était l’extase. Et j’en devenais presque belle.
(Texte écrit en 2004, légèrement remanié.)